Peut-on concevoir des sols artificiels pour développer des espaces naturels ? José Araujo, doctorant au sein de l’unité iEES Paris, propose d’utiliser des éléments de la nature pour renouveler les sols urbains pollués.
Support de la biodiversité, régulateur du climat par le stockage de carbone et gestionnaire des eaux de ruissellement, le sol a un rôle fondamental pour le bon fonctionnement des écosystèmes.
Cependant, de nombreuses dégradations sont entraînées par nos activités, conséquences de notre développement et de nos besoins. En effet, afin de répondre à de nombreux besoins sociaux et économiques (demandes de logements, de transports, d’activités, de parkings, …), les villes se sont de plus en plus étendues.
Cet étalement urbain a engendré inévitablement une excavation et une exportation des sols. Mais également une imperméabilisation non sans conséquence sur notre vie et notre environnement : recul des espaces naturels et agricoles, érosion de la biodiversité, augmentation des risques d’inondation, îlots de chaleur urbain.
Les sols urbains subissent ainsi de fortes pressions : activités industrielles, dépôts de sol et de déchets urbains, pendant les phases successives de construction et de changement rapide d’occupations. Il nous faut alors reconsidérer cette ressource peu renouvelable, la reformation d’un sol prenant plusieurs milliers d’années et étant largement supérieure à sa vitesse d’exploitation.
Face à l’urbanisation et aux changements globaux, les villes doivent évoluer pour préserver et mieux gérer les sols dont elles disposent et qui sont le support de la nature dans les espaces urbains.
Un projet de renouvellement des sols pour l’aménagement d’espaces verts
Traditionnellement, des terres naturelles de qualité, des sols agricoles et naturels, sont importés dans les villes pour créer des espaces verts, alors que les déchets urbains sont rejetés en périphérie des villes. Deux opérations qui dégradent les sols.
Ainsi pour limiter ces pratiques les acteurs en charge d’un développement urbain plus raisonné cherchent à développer des stratégies innovantes. Un des objectifs serait de préserver la nature en reconstruisant des sols à partir de matériaux issus des déchets urbains (issus du secteur du BTP, domestiques), une méthode qui renvoie au concept de métabolisme urbain et qui entend utiliser des technosols pour créer des espaces verts fertiles en ville.
Comment accélérer les processus de formation des sols urbains fertiles ?
José Araujo étudie la question et réalise des expériences sur les effets et le rôle de la diversité des vers de terre dans la création des sols urbains. Une étude, qui, si elle est vérifiée, permettra de mettre en perspective de nouvelles techniques en génie écologique.
En s’intéressant aux matières organiques et à la microbiologie du sol, José tente de comprendre comment les vers peuvent accélérer les processus de formation des sols artificiels et étudie les interactions entre la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes pour la création de sols artificiels.
Consommateurs et transformateurs d’une part des matières organiques, les vers de terre sont les architectes des sols. Bien que leurs influences soient très diverses, ils assurent une bonne oxygénation et améliorent la pénétration et l’écoulement de l’eau, tout en étant capables d’interagir avec les autres organismes présents dans l’écosystème et de rendre le sol plus riche en nutriments.
Des expériences à 4 échelles
Plus précisément, José tente de savoir si les vers peuvent s’adapter et survivre à la présence de technosols. Il étudie les types d’interactions qu’ont les différentes espèces entre elles pour savoir si elles sont positives (en coopération), négatives (en compétition) ou dualistiques.
Pour cela, il réalise des expériences sur le campus de l’IRD à Bondy et ses alentours.
La première, l’expérience dite phytotron est réalisée au laboratoire, dans des conditions très contrôlées en termes d’humidité et de luminosité.
100 vers de différentes espèces sont alors placés dans des bacs de 1,5 litres selon 5 traitements spécifiques (0 vers de terre (contrôle), 3 espèces de vers ensemble et les 3 espèces seules). L’objectif est de tester le rôle de chaque espèce séparément et estimer l’effet des interactions sur les propriétés physiques du sol et sur la croissance des plantes.
La deuxième expérience est réalisée avec trois sols natures, pour mesurer la respiration du sol et déterminer si les interactions entre les vers ont un effet sur les cycles du carbone présent dans le sol. De plus, José observe l’effet indirect des vers dans la croissance de plantes dont on connaît le comportement. La présence des vers a-t-elle un impact sur la fertilité du sol ?
La troisième expérience, en stand-by à cause des conditions climatiques peu favorables à son bon déroulement, évolue dans un environnement semi contrôlé. 3 types de plantes de prairies ont été semées dans des bacs de culture d’environ 40L pour tester et observer leur développement en présence de technosols.
Enfin, la dernière expérience suit des conditions non contrôlées. En complément des tests de survie, José teste si les technosols sont attractifs pour les vers. Il mesure ainsi la colonisation naturelle des sols artificiels par la communauté locale des vers sur 3 sites situés sur le parc du campus de l’IRD et 3 zones dans le bois de Bondy, adjacent au campus. Il observe si les technosols implantés dans le sol (8 trous par zone) sont plus fertiles que ceux non colonisés.
José Araujo est doctorant à l’Université Paris-Est Créteil. Encadré par Lise Dupont et Thomas Lerch, au sein de l’unité iEES Paris (équipe BioDIS du département DCFE), il effectue sa thèse dans un cadre de convention industrielle de formation pour la recherche, CIFRE, issue d’un partenariat entre l’IRD et la collectivité territoriale Est Ensemble.